dysphorie-de-sexuation

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L'identification


 

(Version du 31 Janvier 2014 - Ce sujet fait l'objet d'une réflexion et reste évolutif - Il tend à revoir le thème de l'identification primaire à la lumière de la différentiation structurelle entre cerveau féminin et cerveau masculin - Cette page pourra donc être réécrite)

 

 Voilà un sujet qui entre dans le cadre de la psychologie et de la psychanalyse: Comment se construit l'identité, et singulièrement, cette identité que l'on dit de 'genre', parce qu'on la traduit de 'gender identity', sans faire observer que gender est synonyme de la traduction 'sexe'.

Le genre est une notion assez multiple dans le sens courant qui a été reprise par la sociologie.

Oublions. Je reste sur sa stricte définition psychologique, et je traduis par identité de sexuation, une identité qui traduit le sexe ressenti: 'je suis une femme', 'je suis un homme'

L'identité de sexuation (gender identity core) a été définie par Robert Stoller, dans les années 60, par son essence, le noyau de l'identité de sexuation (traduit par 'noyau de l'identité de genre', dans les années 80, à l'époque d'une psychanalyse tout puissante, conceptuelle, où les dysphoriques étaient considérés comme malades de leur mère. Ce 'trop de mère' et pas assez de père, n'est pas observé chez les parents qui viennent consulter pour leur enfant jeune. Ce noyau identitaire se forme dès la naissance, et devient une affirmation avant trois ans, voire se cristallise plus tôt encore.

On sait de nos jours que le cerveau, féminin chez tout embryon se masculinise ou pas, en fonction d'hormones, anti-hormones, expression des gènes, enzymes et autres facteurs génétiques. cette structure est acquise à vie, et entraîne une prépondérance de fonctionnement, selon les zones surdéveloppées ou pas, zones commandant des comportements différents selon le sexe.

La neuropsychologie permet aussi de mettre en relation le dosage de testostérone embryonnaire et le comportement différentiel précoce entre garçons et filles. 

Il n'est donc pas étonnant que R. Stoller ait pressenti une part d'origine biologique, à un noyau identitaire, qu'il plaçait bien avant tout stade œdipien, et dont l'acquisition, selon lui se faisait très tôt, dès que l'autonomie de l'enfant permet de l'observer, soit lors de la phase d'individuation/séparation, nécessairement.

L'interprétation purement psychanalytique provient du doute sur la toxicité de la mère, le nœud identitaire se cristallisant lors de cette phase.

L'identification crée l'identité. Les psychanalystes, dans leur difficulté à explorer ce qui se passe dans la tête du nourrisson, ont souvent fait appel à la philosophie. Identité, identification, vaste sujet.

 

L'identification, je la définis ainsi: Deux êtres ou plus, des cerveaux, dans ce qui fait leur structure, ont une affinité suffisante pour se considérer comme fonctionnant de manière identique: Le cerveau de l'enfant s'identifie à son identique.

 

Pour cela, il faut avoir une autonomie de pensée et une expérience suffisante pour se différentier en tant qu'individu, car pouvoir s'identifier à, suppose être séparé de, ... Elle est là la philosophie.

 

Une petite fille, de cerveau fille, ( et j'inclue tous les cerveaux 'fille', y compris avec des gonades en partie ou totalement mâles à la naissance), a une affinité de pensée avec l'être féminin de cerveau qu'elle côtoie. Un garçon, de cerveau garçon (quelles que soient ses gonades), a une affinité de pensée avec l'être masculin de cerveau qu'il côtoie.

 

Chacun a ressenti cela. Le plus profond de notre identité, de notre être, se retrouve à cette source.  Chez un enfant de deux, trois ans, ce sentiment identitaire se construit finement au quotidien.

 

Il a été montré que dès les premières semaines les garçons, les cerveaux masculins, passent plus de temps à observer les systèmes que le visage humain, l'inverse chez les filles de cerveau, que l'on caractérise comme empathiques, par opposition au systémisme des garçons de cerveau (Travaux de Simon Baron-Cohen and all, Autism Researh center, Cambridge, England)

Ci dessous, par la  meme équipe de recherche, une vue statistique s'appuyant sur un très grand nombre d'études post mortem de cerveaux de tous ages, montrant en bleu les structures surdéveloppées chez les hommes, et en rouge, les structures surdéveloppées chez les femmes.

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Or, les filles vont se découvrir, dans la relation à l'autre, par cette empathie, qu'elles vont partager avec les êtres féminins empathiques, et les garçons vont se découvrir, dans la relation à l'autre, par ces qualités systémiques.

 

Deux cerveaux identiques savent se trouver.

 

Cela est la base de cette théorie de l' identification.L'identité naît lorsque se fait la compréhension presque consciente du 'je suis comme...'

 

L'identité sexuée, au sens où le cerveau est sexué (je suis une fille, je suis un garçon), se construit sur la base de la reconnaissance de l'étiquette identitaire sexuée de l'être identique. L'étiquette, c'est bien entendu ce que la parole dit de la classification des individus

   

'Je suis une fille, parce que je suis identique à maman, et maman dit être une fille' , 'je suis un papa en devenir, parce que je suis identique à papa'...

 

Pour les enfants en dysphorie de sexuation, c'est là que s'arrête le chemin commun à la normalité, leur trouble commence, au moment où ils prennent conscience de la dissonance, entre leur identité sexuée, et l'étiquette de sexuation qui leur est attribuée.

 

Il faut bien comprendre la force de ce noyau de l'identité sexuée: Il ne varie pas durant la vie, il est donné pour toujours. Son origine biologique en fait la force. Nous savons bien qu'une petite fille, un petit garçon, dans la normalité, ont la totale certitude du sexe auxquels ils appartiennent. 'La tranquille assurance de leur sexuation' .

Les dysphoriques se construisent ainsi de façon identique au sexe gonadique opposé, une fille pense comme fille, un garçon pense comme garçon, au mépris souvent coupable de l'étiquette gonadique.

 

Ce noyau de l'identité se forme avant la scolarisation, et il est intéressant de se demander à qui nous avons pu nous identifier dans cette petite enfance, qui hélas, ne nous laisse à nous que peu de mémoire.

 

Là, les choses se compliquent. Une mère, un père 'féminin', une grand mère, une sœur, une soignante, un grand-père 'féminin', peuvent être la base identitaire d' un cerveau féminin. Un père, une mère '' 'très 'masculine', un frère, etc. peuvent être la base identitaire d'un cerveau masculin.

Tout se joue de la naissance à trois ans.

 

C'est donc très variable, et il faut envisager que une fille, avec son cerveau féminin, puisse s'identifier à un père très féminin, plus féminin de cerveau que la mère, elle, dans ce cas assez masculine de cerveau:

Cela est rare, bien entendu, mais chacun peut avoir eu à observer ces types d' identité, par exemple une fille qui se sent à la fois fille par essence, et garçon par affinité.

Cela n'est pas une dysphorie de sexuation.

 

La dysphorie se définit par la sexuation du cerveau, pas par rapport à une identification, et autant il y a des hommes sûrs ou doutant de leur identité masculine avec un cerveau assez féminin, il y a aussi des femmes certaines ou doutant de leur identité de femme, qui ont un cerveau assez masculin.

 

La dysphorie de sexuation, mène le plus souvent à un noyau de l'identité de sexuation qui est en phase avec le cerveau.

 

Pour les filles, étiquette garçon, l'identification se fera par rapport à la mère, le plus souvent, mais, avec une mère peu féminine, l'identification peut se fixer sur une sœur plus âgée, une grand mère, ou toute personne féminine s'occupant avec proximité de cette petite fille.

Parfois, il se fait un mixe de plusieurs personnes féminines, comme la mère, et une sœur jumelle, mère et grand-mère, etc.

Idem pour les garçons à étiquette fille, pour les présences masculines de la maison, le père le plus souvent, avec toutefois une réserve, sur la réelle présence masculine, interagissant avec l'enfant. Un frère plus âgé peut jouer ce rôle, un père divorcé, qui exerce son droit de visite, joue tout à fait ce rôle identificatoire.

 

Par la suite, se forment des identifications dites secondaires, que l'on peut appeler de 'genre', en ce sens qu'elles ne remettent pas en cause le noyau identitaire. C'est 'ma part' de féminin ou de masculin que tout être équilibré ressent ou qui est refoulé dans certaines cultures ou systèmes éducatifs.

 

C'est aussi l'identité sociale, et le terme étiquette, que j'emploie, prend tout son sens, que ce soit l'étiquette que l'on porte en raison du sexe physiquement déterminé à la naissance, ou l'étiquette sociale, liée à des obligations éducatives, à l'aspect physique de l'enfant, comparé à une norme consensuelle.

 

 La dysphorie devient une pathologie, essentiellement en raison de la dissonance: celle du corps en opposition au noyau identitaire, et la dissonance sociale, de non reconnaissance du sexe cohérent, que soi même l'on ressent comme exact.

 

Il n'est pas question de psychose, l'enfant s'est construit en tant qu'être unique, unifié, non morcelé, en pleine réalité: son identité est claire, pour lui, son être est d'un sexe, y compris une bonne partie de son corps, simplement marqué d'une autre réalité, des gonades du sexe opposé, qui sont la raison d'être de cette étiquette, ce marquage social, dans le sexe opposé.

 

On comprend très facilement que les tentatives de martyriser ces parties de corps, de les supprimer, se fasse dans une pleine conscience du réel. De même les tentatives de suicide à l'adolescence sont la froide conclusion qu'il n'est pas possible de vivre un corps qui nie ce que l'on sait de soi.

C'est un point important de psychiatrie, car on considère que l'enfant issu d'une relation toxique à sa mère, clive son identité entre une part idéalisée et une part niée et rejetée.Ce type de personnalité, soit oscille entre ces morceaux identitaires, soit se jette dans un sens ou dans l'autre, ou encore, se trouve écartelé, incapable de se construire.

 

Or, rien de tout cela dans la dysphorie, on trouve une identité stable, une sexuation dont on connait l'opposition et qu'on 'gère', quitte à adopter temporairement la loi du corps, l'étiquette sociale, en souffrant, certes, mais sans quitter le réel. Que ce soit à cinq ans, à vingt ou à soixante, la façade de convention  peut s'effacer à tout instant, le deal devient un non sens.

Avec des parents à l'écoute, cette rupture peut être une confidence à cinq ans, cela peut à l'adolescence être une tentative radicale et violente, et à la vie adulte, une découverte de l'existence d'une réparation possible du corps.

Il faut insister sur cet aspect révélation, car il balaye littéralement la personnalité de façade, quel que soit l'âge, le stade du développement. Dès lors, aux yeux de tout le monde, il n'y a ni hésitation, ni repentir, une ligne droite est tracée, qui est suivie, avec toujours la tranquille assurance de connaître son identité sexuée.

 



02/04/2014
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